vendredi 23 septembre 2011

Exergue

Ha ! Sprängen sprängen itzt die Pforten deines Heiligtums selbst
O Ceres, die du in Eleusis throntest !
Von
Begeistrung trunken fühlt' ich jetzt
Die Schauer deiner Nähe,
Verstände deine Offenbahrungen,
Ich deutete der Bilder hohen Sinn, vernähme
Die Hymnen bei der Götter Mahlen,
D
ie hohen Sprüche ihres Raths.
Doch deine Hallen sind verstummt, o Göttin !
Geflohen ist der Götter Krais in den Olymp
Von den entheiligten Altären,
Geflohn von der entweihten Menschheit Grab,
Der Unschuld Genius, der her sie zauberte !

Hegel, Eleusis, à Hölderlin

1ère partie

mercredi 31 août 2011

Le Dernier Enregistrement - 1ère partie

LE DERNIER ENREGISTREMENT

[Titre alternatif : CANTIQUE DES CANTIQUES]


Il avait été convenu que Lucie apporterait le gâteau d'anniversaire. Elle apporta donc un superbe fraisier, ainsi que son cadeau, aux alentours de dix-sept heures chez sa fille Giovanna, où l'attendait aussi son petit-fils Raphaël avec impatience. À son arrivée, le petit Raph faisait bruyamment le tour du salon, à cheval sur une petite auto en plastique. « Ah, qu'il est insupportable ! » « Maman ? C'est qui ? »

Giovanna occupée à embrasser sa mère n'entendit pas la question du petit qui en fut piqué au vif. Il se leva et s'approcha du couloir d'entrée en frottant ses ourlets. Alors surgit Mamie. Elle tenait le gâteau. Raphaël fut envahi d'excitation, poussant un grand cri suraigu si caractéristique des enfants en bas âge. D'abord, le bisou à la Mamie. Il s'assagissait, mais s'agitait encore énormément manifestant son enthousiasme par des gestes patauds et désarticulés.

Pour mettre fin temporairement à l'excitation de Raphaël, Giovanna le fit s'asseoir sur le canapé. Lucie tendit un paquet à sa fille. Raphaël continuait de gesticuler, le paquet attisait sa curiosité. « C'est quoi ? c'est quoi ? c'est quoi ? » Giovanna embrassa à nouveau sa mère. Elle savait déjà plus ou moins ce qu'elle lui avait apporté. Sûrement un ustensile. Oui, c'est ça, un répondeur. Un cadeau modeste, mais utile. Elle en avait d'ailleurs besoin et s'était plaint récemment de ce qu'elle n'avait pas de répondeur. Modeste, et donc ridicule comparé à tous les coups de mains financiers, mais aussi les soutiens moraux que Lucie avait prodigués, ces temps derniers particulièrement incertains et difficiles pour Gio qui faisait face seule à l'éducation du petit depuis le départ lâche de son compagnon. Ce dernier ne voyait quasiment plus son fils, surtout depuis qu'il s'était installé en province avec sa nouvelle amie. Elle en ressentait énormément les conséquences sur le comportement de Raph.

« Bah alors ? Vas-y, essaie-le ! » Elles allèrent à la prise téléphonique pour faire le branchement, aussitôt rejointes par Raph qui accourut en trépignant. « Tiens ! toi, Maman, fais le premier essai… » « D'accord, je t'appelle avec mon portable, mais qu'est-ce que je dis ?… Tu veux que je dise quoi ? tu veux que je dise quoi, toi, Raphaël ? » Raphaël hilare avait répondu : Je veux que tu chantes ! « Que quoi ? Que je chante ?! » « OUUUI ! Z'veux qu'tu santes ! » « Une comptine alors… Tu veux une comptine ? » Raphaël opina. « Quoi comme comptine ? » « Coltssiiques !… »

Lucie tapota sur son cellulaire et le porta à l'oreille. La sonnerie du fixe de Giovanna se déclenchait en parfait écho à la tonalité légèrement audible dans l'écouteur. Raphaël était subjugué. Il émit un bref soupir d'étonnement au démarrage de la voix synthétique ? « Qui c'est qui parle ? » Il n'avait pas attendu de réponse à cause du bip qui l'avait immédiatement distrait. Mamie s'était reculée à la suite d'un début de larsen. Elle entonna l'air. Raphaël le fredonnait aussi pour accompagner. Maman chantait près de son oreille alors qu'il la rejoignait pour s'asseoir sur ses genoux.

« Colchiques, colchiques, colchiques dans les prés fleurissent, fleurissent. C'est la fin de l'été, c'est la fin de l'été !

« Et la feuille d'automne emportée par le vent, et la feuille d'automne emportée par le vent,

« En ronde monotone, tombe en tourbillonnant, en ronde monotone, tombe en tourbillonnant.

« Et ce chant dans mon cœur appelle le bonheur, et ce chant dans mon cœur appelle le bonheur.

Lucie marqua une pause.

« Bon bah… Au revoir et à bientôt…

Raphaël reprit, au revoir.

« Au revoir, Raphaël… »

Elle tourna l'écran du combiné vers son visage pour s'assurer d'avoir bien interrompu la communication. Alors elle expliqua que le répondeur avait la particularité d'avoir une batterie solaire qui se rechargeait en journée et que quand la batterie devenait vraiment trop faible, à ce moment-là, il était possible de raccorder le répondeur au secteur pendant que la batterie détachée de son socle rechargeait intégralement, au moins douze heures d'affilé à insoler. (D'autre part, la mémoire électronique fonctionnait sur ces batteries quasi inépuisables, identiques à celles des clés USB.)

Ça y est, enfin, ils allaient manger le gâteau.